Fabrique de pain d'épice et bonbons à Pithiviers



Quand Louis Robert fabriquait pain d’épice et bonbons

Les Pithiviers qui rentrèrent de vacances à la fin août, eurent la surprise de constater que les travaux de démolition de l’Ilôt de la rue Amiral Gourdon avaient commencé.
Beaucoup sûrement n’y croyait plus, tant le projet de construire à son emplacement un mini quartier tout neuf, remontait loin. Cette fois les travaux débutaient et depuis ils sont allés bon train. Une grande partie des bâtiments vétustes a déjà disparu. Et ceux qui restent ne tarderont pas à les suivre. C’est le cas des bâtiments de l’ancienne usine Louis Robert, dont il ne reste à l’heure où nous écrivons que le bâtiment à charpente de poutrelles de fer construit en 1931.
Cette entrepris tint pendant longtemps une place importante dans la vie et l’économie de la cité. Aussi est-il bon, au moment où ses locaux disparaissent pour prendre place dans l’histoire de la ville, de se pencher sur elle le temps d’un article. 
1702-1958
C’est probablement en 1702 –Louis XIV allait encore gouverner la France pendant 13 ans – qu’une fabrique de pain d’épice au miel fut fondée à Pithiviers. Les conditions géographiques s’y prêtaient, la ville étant un marché où l’on trouvait facilement le miel du Gâtinais et le blé de Beauce.
Sur cette époque de démarrage de l’entreprise qui allait poursuivre ses activités jusqu’en 1958, on ne sait rien actuellement. Ni le nom du fondateur, ni ceux de ses successeurs. Le plus ancien nom dont on a gardé mémoire, est celui de la famille Beauvais.
Les décennies et les régimes politiques se succèdent ne laissant pas plus de trace sur cette entreprise que sur les autres. Faisant honneur à ses affaires, elle passa de la Royauté à l’Empire, laissa revenir les Bourbons, accueillit à nouveau la République, avant le retour des Aigles.
A cette époque, Monsieur Philippe Robert « entra », comme on disait en ce temps là dans la famille Beauvais et donna un nouvel essor à la fabrication jusqu’à lors artisanale. C’était le temps de l’industrie triomphante, à laquelle les contemporains en toute bonne foi prêtaient toutes les vertus, et voyaient le plus court chemin conduisant au paradis terrestre. Dans les années 1900, son fils Louis Robert lui succéda, et donna à la fabrique de pain d’épice et de bonbons au miel, le nom qu’on lui connaît encore. En 1920, Pierre Péron-Robert, gendre de Louis Robert prit les rênes de l’entreprise. Il les gardera jusqu’en 1958.
L’affaire familiale de jadis s’était transformée non seulement au point de vue technique mais aussi sur le plan légal, étant devenue une SARL, dont Monsieur Pierre Péron-Robert était le gérant. Les années d’après guerre furent marquées dans la branche professionnelle qui était celle de l’usine par une concurrence de plus en plus accrue qui, jointe à des moyens d’investissements limités, l’amena à cesser ses activités en 1958. L’affaire devait ensuite être achetée par un groupe financier. Après quelques années d’exploitation, il laissa les bâtiments tombés en ruine.
Pain d’épice, bonbons et épicerie
L’entrepris Louis Robert que tant de Pithivériens ont connu, ne limitait plus depuis longtemps sa fabrication au pain d’épice au miel. Bien d’autres fabrications étaient venues s’ajouter au fil des ans, pastilles au miel, confiseries et biscuits entre autres. Comme le proclamait un prospectus de 1912 qui déclarait notamment que « Les produits Louis Robert, répandus dans la France entière et à l’étranger, sont exempts de substances équivoques et entièrement fabriqués avec des matières absolument pures ». Des dépôts existaient à Paris, à Londres, et les récompenses dans les expositions internationales étaient très nombreuses.
Dans mes années 20, Louis Robert s’adjoignit une nouvelle activité. Il distribua en ville et dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de Pithiviers des produits qu’il ne fabriquait pas, en l’occurrence de l’épicerie fine. Cette activité de distribution devait connaître un développement aussi soudain qu’inattendu, pendant les années de l’occupation. En effet, à la demande des autorités pithivériennes, les camions de l’entreprise durent prendre le relais de ceux de la Maison Perdiens, installée Porte d’Orléans, qui avait cessé ses activités. Ils sillonnèrent la ville et la campagne livrant l’épicerie au sens le plus étendu du terme encore que celle-ci se réduisait aux produits contingentés. Au cours de ses dernières années d’existence la Société Louis Robert connut un développement important de son département confiserie. Un matériel très performant avait été acquis dont la capacité de production pouvait atteindre trois tonnes par jour. Il permettait de fabriquer outre les renommées pastilles au miel, des pastilles de toutes sortes, des bonbons fourrés au miel liquide et des gommes. Evoquons à propos de ces dernières « La Souveraine » une création personnelle de Louis Robert. Il s’agissait d’une gomme dans la composition de laquelle entrait également du miel et de la réglisse. Elle connut rapidement un succès durable auprès du public.
Des bâtiments divers
Ces fabrications avaient lieu dans les locaux maintenant disparus, de la rue de l’Amiral Gourdon, longeant la place des Halles. Quand l’entreprise s’y installa-t-elle ? Cela aussi constitue actuellement l’un des points obscurs de l’histoire du pain d’épice Louis Robert. Un détail néanmoins, une tradition orale prétend que l’immeuble principal comportant un grand porche, était avant son acquisition par l’entreprise un hôtel ou une auberge, et que l’une de ses patronnes, femme d’une grande beauté, avait servi de modèle au peintre Lubin Beaugin, quand il peignit le tableau qui se trouve toujours sur le maître autel de l’église Saint Salomon. Au fil des achats, d’autres immeubles  vinrent de part et d’autre agrandir l’ensemble. En 1931, un nouveau bâtiment résolument moderne, fait de poutrelles de fer et de béton fut construit. Il avait été rendu nécessaire pour de nouvelles installations de biscuiterie et de confiserie qui nécessitaient une longueur importante pour les chaînes de production.
Beaucoup de familles pithivériennes ont vu un ou plusieurs de ses membres travailler chez Louis Robert. On peut même facilement imaginer, vu la longévité de l’entreprise, que dans certaines d’entre elles, on y était employé de père en fils et même en petit-fils. Beaucoup habitent toujours Pithiviers ou sa région puisque dans les dernières années, 75 personnes passaient le matin la porte de l’usine. Tous avaient contribué par leur travail à la vie de l’entreprise où régnait un esprit de famille et de respect mutuel.
« Louis Robert » disparait ces jours-ci sous les coups des engins. L’entreprise va maintenant entrer dans la légende locale. Une légende qui retiendra ses productions et son renom, et oubliera bien vite les ruines que l’on abat aujourd’hui.
Courrier du Loiret 24 septembre 1987